“La République Centrafricaine entre richesse et misère. L’impact politico-économique de la mondialisation”
Introduction
La République Centrafricaine, dont l’histoire remonte à plusieurs siècles avant la colonisation, fut annexée au 19ème siècle par la France qui l’appela Oubangui-Chari.
Elle demeura colonie française jusqu’au 1er décembre 1958 date à laquelle elle prit le nom de République Centrafricaine. Deux ans plus tard, elle devint « libre » par la proclamation de l’«indépendance» le 13 août 1960. Elle eut comme premier dirigeant un prêtre nommé Barthélémy Boganda qui disparut dans un attentat d’avion derrière lequel plane l’ombre des mains de la France. L’histoire de la RCA est marquée par l’esclavage, par la colonisation et par la « mal gouvernance ». Elle vit la misère extrême et pourtant c’est un pays riche en fleuves, en sous-sol très précieux, en terre naturelle et fertile. A considérer sa relation avec l’ancienne métropole, tout laisse à croire que pour la France la RCA n’est que sa propriété privée, et tout le territoire centrafricain son grenier qu’elle gère comme bon lui semble. Des règles d’exploitation ont été transcrites en lois. Depuis son «indépendance», à chaque fois, un petit groupe de gouvernants soutenu par l’ancien colonisateur et dont les intérêts sont satisfaits en contrepartie, s’enrichit inexorablement au dépens de la majorité. Ainsi, l’injuste distribution des biens s’enracine toujours très fortement. La nouvelle équipe dirigeante conduite par le professeur Archange-Faustin Touadera saura-t-elle mettre fin à cette tristement célèbre tradition?
Ce mémoire s’intercale dans le domaine des droits de l’homme et de la globalisation. Le travail est subdivisé en six points: le premier présente les diverses potentialités de la République Centrafricaine; le second rappelle l’histoire de l’esclavage et de la colonisation; le troisième aborde le thème de la participation de la RCA soit au niveau continental que central; le quatrième est un aperçu de la situation économique et financière; le cinquième présente les racines institutionnelles de la misère centrafricaine; et le sixième offre quelques propositions pour un rééquilibre politico-économique.
1. La RCA pays d’incommensurables potentialités
1.1. Position géographique stratégique
La République Centrafricaine comprise entre le Tropique de Cancer et l’Equateur, 7° Nord et 21° Est, se trouve au cœur du continent africain, une position géostratégique centrale. Ses pays frontaliers sont: le Tchad au Nord, le Congo Démocratique et le Congo Brazzaville au Sud Soudan et Sud Soudan à l’Est, le Cameroun à l’Ouest. Nonobstant sa très vaste superficie (623.000 Km2) c’est-à-dire un peu plus grande que la France (547.030 km2) et le double de l’Italie (301.277 km2), elle compte seulement environ 6 millions d’habitants poussés au maximum. Bien qu’elle soit située à plus de 700 km de la mer, le territoire a la chance d’être irrigué par une centaine de ruisseaux et une dizaine de fleuves parmi lesquels le Logone et le Chari qui sont les principaux qui se déversent dans le lac Tchad. Par contre la Sangha et l’Oubangui, navigables en saison des pluies, assurent les échanges commerciaux avec les deux Congo (Kinshasa et Brazzaville). Les précipitations sont abondantes, en moyennes 1.343 mm3 c’est-à-dire 836,66 km3, presque deux fois plus que la valeur moyenne en France (477,99 km3). Cela fait que la quantité d’eau disponible par habitant en un an est très élevée: 37.000 m3. Si le centre présente un climat humide et la prévalence d’une savane herbeuse, l’extrême Sud au contraire a un climat de type équatorial avec la présence de la forêt équatoriale. Ses divers parcs nationaux tels que «Bamingui-Bangoran» et «Dzanga-Sanga» offrent un spectacle unique où l’on peut admirer diverses espèces d’animaux. Si le Nord-est accueille la plus grande concentration d’hippopotames au monde, les parcs nationaux «André-Félix» et «Manovo-Gounda Saint Floris» par contre sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
1.2.Diamant et or
Les principales zones de production sont le Sud-ouest, le Nord-ouest et le Centre. Aujourd’hui on sait que tout le territoire centrafricain est comblé de diamants et or, et du point de vue de la qualité du diamant qu’on peut extraire, la RCA occupe le quatrième rang de la classification mondiale des pays producteurs. La production des diamants alluvionnaires de qualité optimale (diamants de joaillerie) offre environ 500 000 carats brut par an. Le chiffre officiel publié doit être toujours doublé ou triplé à cause de la contrebande dans ce secteur. Le diamant et l’or centrafricains ont enrichi seulement les gouvernants et leurs associés, alimentant divers groupes armés qui ont ensanglanté le pays. C’est justement pour cette raison que, tout de suite après le coup d’Etat de mars 2013, la République Centrafricaine fut immédiatement suspendue du «processus de Kimberley».
1.3. Uranium et pétrole
Dans les années 60, un gisement de bauxite fut découvert à Bakouma, à 900 km au Nord-est de la capitale Bangui. La République centrafricaine serait en possession d’environ 20 000 tonnes de réserves d’uranium. En effet, le groupe nucléaire français Areva avait signé en Août 2008 avec l’ex Président Bozizé, un contrat de 18 milliards de francs CFA (27 millions d’euro) pour une durée de 5 ans. Par ailleurs, un important gisement de pétrole se trouve au Nord à Gordil, à la frontière avec le Tchad. Les premiers puits furent creusés dans les années ’80, sous le régime du Président Patassé, par les compagnies pétrolifères américaines telles que «Grynberg RSM» du milliardaire américain Jack Grynberg. En 2012, le Président Bozizé concéda l’exploitation de certains gisements aux Chinois de la «China National Petrolum Corporation». D’autres sites pétrolifères identifiés au Nord sont: Bagara, Doseo, Salamat et Doba/Bango. Selon les experts, 5 milliards de barils de pétrole son présents dans le pays.
1.4. Agriculture, élevage, bois
Le potentiel des terrains centrafricains est estimé à 15 millions d’hectares. 80% de la population vit des travaux liés à la terre et à l’agriculture qui représente 50% du PIB. La terre est naturellement fertile et produit café, coton, tabac, cacao, huile de palme, caoutchouc, canne à sucre, riz, thé, piments. D’autres produits sont: manioc, mil, arachide, sésame, patate douce, tarauds, igname, banane, orange, citron, ananas, papaye, pamplemousse, goyave, pastèque, et d’autres verdures et fruits. Les gens vivent de la petite chasse, pêche et élevage. En 2009 il y avait environ 15 millions de têtes. Concernant le bois, outre l’existence des essences de qualité telles que l’ébène et l’acajou, le bois de construction est un des produits d’exportation. La forêt centrafricaine couvre une superficie de 3,8 millions d’hectares et s’étend jusqu’au Cameroun, Congo Brazzaville et Congo Démocratique. Comme nous le soulignions dans la note 6, elle est la seconde plus grande forêt après celle de l’Amazonie et constitue le poumon mondial à sauvegarder. Malheureusement, cette ressource est l’apanage des sociétés étrangères. En effet, selon un article de Daniele Bellocchio, un rapport intitulé «Legno insanguinato» (Bois ensanglanté), on découvre comment l’Europe a aidé à financer la guerre en RCA sur trois aspects principaux: les échanges commerciaux, les importations illégales et les donations. On lit dans l’article que trois entreprises: la Sefca à capital libanais, la Ifb d’origine française et la Vicwwood chinoise, ont payé les rebelles pour exploiter de façon illégale le territoire de la République Centrafricaine. De l’analyse du rapport, il ressort que 59% des exportations du bois centrafricain sont envoyés vers l’Europe, mais que l’argent versé serait utilisé aussi pour acheter des armes, payer des péages et enrôler des gardes privées. Tout compte fait, la surabondance des richesses naturelles de l’Afrique en général, dont le géologue Belge Jules Cornet appelle «scandale géologique», ne profite pas aux fils du pays qui croulent dans la misère.
1.5. Populations multiethniques unies par une langue nationale
En République Centrafricaine, il y a environ 80 ethnies diverses réparties en trois groupes principaux : les groupes provenant de la forêt, celles provenant de la savane et celles étendues le long des fleuves. Parmi les plus importants, d’Est à Ouest il y a: Zandé et Nzakara, le groupe Ngbandi (Sango et Yakoma), le groupe Gbanziri-Sere (Ngbaka-Mabo, Modjombo, Gbanziri-Bolaka, Sere); au Sud et Sud-ouest, les Bantu (Mbimu, Issongo, Kaka, Bangando); tout le centre et d’Est à ouest, le groupe Gbaya (Mandja, Bofi, Ali, Gbanu, Ngbaka-Mandja, Suma) et le groupe Banda (Linda, Ndi, Togbo, Langbasse, Yanguéré); dans les zones limitrophes il y a le groupe Mbum (Pana Karé, Talé), le groupe Sara (Kaba) et le groupe Nilo-saharien (Sabanga, Kreish, Lutto, Gula, Runga). Les Yulu et Kara sont réduits en quelques villages tandis que les Binga, Bongo, Challa et Pambia ont disparu. Si les Pygmées ou «Babinga» sont sédentaires dans la forêt, les Peuls ou «Mbororo» par contre sont des éleveurs nomades. Heureusement, toute cette panoplie d’ethnies est unie par une langue locale et nationale, le «Sangö» en plus du Français. En effet, toutes les deux langues sont officielles : le français depuis 1960 et le Sangö depuis 1963. Cette dernière, facile à apprendre, fut généralisée par le processus d’évangélisation. A ce propos, le professeur français Patrice Gourdin souligne que la RCA est un des rares cas en Afrique d’officialisation d’une langue qui n’était pas celle du colonisateur. Et donc, toujours selon le professeur, cette réalité constituerait un intéressant cas de ce qu’il appelle «diglossie» c’est-à-dire deux moyens linguistiques qui coexistent en une relation hiérarchique, et chacune assumant une fonction sociale distincte. D’accord avec notre compatriote Marcel Diki-Kidiri, nous pouvons affirmer que «la RCA a la fierté, plus encore, l’avantage de vivre la promotion d’une langue nationale».
2. L’impact historique de l’esclavage et de la colonisation
2.1 La traite des esclaves
La République Centrafricaine fut pendant longtemps un point de passage pour les migrations qui ont dépeuplé le pays. Dans cette zone se sont succédés des royaumes et empires parmi lesquels l’empire du Kanem-Bornou, l’empire Ouaddaï, le royaume du Baguirmi. Les groupes «Fur» se sont étendus dans la région autour du Lac Tchad et le long du Haut Nil. Plus tard, plusieurs sultanats revendiquèrent la région, en la transformant en une grande réserve d’esclaves. De là, ces derniers furent transportés et vendus en Afrique du Nord à travers le Sahara et surtout au marché du Caire. Aux XVe et XVIe siècle, des populations apparentées aux Nubiens y auraient fondé deux royaumes. Les liens étroits avec le Bornou permirent à certains groupes de populations de participer au commerce transsaharien. Le XVIIIe siècle fut marqué par la traite atlantique des esclaves. Vers la fin du XVIIIe et au XIXe, la migration des Zandé permit la création d’un royaume guerrier dans la zone du Haut-Oubangui et de celle du Bahr al-Ghazal. Toujours au XIXe siècle, le rêve impérial de Mehmet-Ali et de ses successeurs porta l’Egypte à établir sa suprématie au Soudan. En 1875, le sultanat du Soudan, Rabih Az-Zubair était chef du Haut-Oubangui c’est-à-dire de l’actuel Centrafrique. De 1881 à 1885 survint la révolte du Mahdi avec Muhammad Ahmad ibn Abdallah. Par conséquent les routes orientales du commerce transsaharien furent taillées à l’Egypte. Alors, Rabat, un aventurier et marchand s’installa à côté du lac Tchad. En se lançant dans le commerce des esclaves et de l’ivoire, il créa une armée d’environ 35 000 hommes. Après avoir dominé diverses populations, il se constitua un immense empire. Entre temps, un des fils du Sultan du Baguirmi avait fondé un nouvel Etat inféodé dans le Ouaddaï: le Dar el-Kouti c’est-à-dire l’actuelle ville de Ndélé. Un de ses fils, Senoussi, s’enrichit dans le commerce des esclaves. Pour les populations centrafricaines, le rapport avec l’Islam rappelle tristement l’histoire de l’esclavage. Mais, à croire le Professeur Richard Filakota, il semble qu’aujourd’hui, en plus de l’esclavage, l’Islam ait de nouvelles formes d’organisation en Afrique noire.
2.2. De l’exploration à la colonisation
Dans les années 1870 et 1880, une première vague d’explorateurs venue de la vallée du Nil découvrit la région. Cependant la révolte du Mahdi coupa pour longtemps la voie soudanaise des explorations. A partir de la Conférence de Berlin (1885), Français et Belges, établis au Congo, se lancèrent dans la conquête du Centrafrique. De 1886 à 1889, les frères Dolisie et Gaillard remontèrent le cours de l’Oubangui et fondèrent Liranga, Bangui, Mobaye. Par la suite, Alfred Fourneau, Pierre Savorgnan de Brazza et Paul Crampel occupèrent la «Haute Sangha» (actuelle Mambéré-Kadéi) et le Haut Oubangui pour le conte de la France. Le décret de 1894 détacha le territoire du Haut-Oubangui du Congo français. Puisque le Nord du Centrafrique fut occupé par Rabat, les Français lancèrent une opération décisive et envoyèrent trois missions vers le lac-Tchad: la mission Voulet-Chanoine qui partit de l’Afrique de l’Ouest, la mission Fourneau-Lamy qui partit de l’Algérie, la mission Gentil qui partit du Congo. Finalement, ils réussirent à vaincre et à tuer Rabat dans la bataille de Kousseri en 1900. En 1905, fut constituée la colonie de l’Oubangui-Chari. En 1910, les territoires français d’Afrique centrale furent organisés en une fédération: l’AEF. De grandes compagnies reçurent la charge d’exploiter les richesses naturelles de la colonie, notamment le caoutchouc. Cependant, elles commirent des extorsions et des crimes odieux. Elles recouraient continuellement aux «travaux forcés», et aux corvées imposés non seulement aux hommes mais aussi aux femmes et aux enfants. Les salaires versés aux Compagnies ne permettaient pas aux familles de vivre décemment. La population était obligée de travailler sans aucun type de garantie et rétribution. Les conséquences de tous ces abus suscitèrent des résistances et des révoltes qui furent réprimés dans le sang. La participation des colonies à la deuxième guerre mondiale fit en sorte que la France recouvra la liberté. Ainsi, le régime colonial s’assoupit légèrement. En effet, une loi de 1946 abolit le «travail forcé». La même année, l’Oubangui-Chari élit son premier Député à l’Assemblée Nationale, Barthélémy Boganda. La «loi-cadre» de 1956 conféra le suffrage universel aux Africains et effectua une large décentralisation dans les colonies. L’Oubangui-Chari élit un Conseil de gouvernement de 6 Ministres, présidé par Abel Goumba. Durant le référendum de 1958, le projet de Communauté française (c’est-à-dire de l’Afrique Equatoriale Française) recueillit 98,1% de « Oui » dans l’Oubangui-Chari : ce fut l’année de la proclamation de la République Centrafricaine.
2.3. Abus de la politique économique coloniale
On pratiquait le «portage» qui était le moyen de transport habituel des chefs-tribu dans leurs déplacements. Les munitions et diverses provisions des colons étaient transportées par des personnes sur de centaines de kilomètres (1300 km de Brazzaville à Bangui). Pour le transport des personnes on utilisait le «tipoye» fait de deux branches de bambou avec un siège au milieu, transporté par quatre hommes robustes, deux devant et deux derrière. Généralement, les transporteurs ne percevaient aucune rémunération sauf une récompense en sel et en étoffe, et devraient être nourris dans les villages où ils passaient. On constituait des caravanes par rapport à l’importance des matériels. On pouvait compter jusqu’à 200 transporteurs. Selon les distances, on pouvait passer facilement par exemple de Brazzaville à Bangui quatre mois. Il y avait un tribut que la Métropole imposait aux colonies. L’impôt consistait à taxer les populations centrafricaines, hommes et femmes exceptés les enfants, les vieux, les handicapés, les mères de nombreux enfants, les combattants de guerre et les ex militaires. Le taxe ne devrait pas dépasser les 5 francs ni être inférieur à 1 franc. Afin de mieux contrôler le tribut, on procédait par recensements réguliers. Les chefs-cantons et de villages étaient chargés de collecter et faire les versements. Souvent, ces derniers étaient plus intransigeants que les colons envers leurs propres compatriotes et majoraient les taxes à leurs propres profits. Les colonies pratiquaient une «économie de pillage». Le salaire qu’ils donnaient aux gens était au maximum 21 centimes de francs. Et pourtant les Compagnies vendaient les produits à 3 ou 5 francs. Par exemple l’ivoire acheté à 2 ou 8 francs au kilogramme était revendu en Europe à 30 ou 60 francs. La construction du chemin de fer Congo-Océan a facilité le convoyage de ce que l’auteur Français Pierre Mantot appelait le «butin du pillage» de l’Afrique vers la France. Les morts causés par les Compagnies Concessionnaires étaient environ 20 millions. En d’autres paroles, en 22 ans, de 1889 à 1911, 1 million 100 mille africains étaient tués chaque année. Le peuple centrafricain s’est retrouvé davantage appauvri par la puissance coloniale puisque les terres étaient déclarées «propriétés françaises». Déjà, après son passage à Bangui en 1825, l’écrivain français André Gide, à l’époque, chargé de mission au ministère des colonies, révélait dans son livre les scandales des abus de la colonisation. Et madame Sophie Melexis, en présentant ce livre, déclarait que le but d’André Gide était de lutter contre les travaux forcés et les carences du système colonial. C’est juste dans ce contexte d’extrême exploitation qu’émergea le personnage de Barthélémy Boganda qui s’engagea dans une lutte drastique de libération politico-économique de l’Oubangui-Chari. L’auteur centrafricain Bernard Simiti lui attribue justement le titre de «leader de la lutte pour l’indépendance».
Sociétés concessionnaires et appropriation des terres centrafricaines par les colons
2.4. Barthélémy Boganda «Libérateur» de la RCA
Né le 04 avril 1910 à Bobangui, de parents paysans, qui furent assassinés par les colons Français, Barthélémy Boganda fut adopté par les Missionnaires et devint prêtre catholique. En 1946, avec l’autorisation de son Evêque, il se présenta aux élections législatives et remporta l’unique siège réservé aux Africains à l’Assemblée nationale française. Dès son entrée au Parlement, il adhéra au groupe MPR. Très vite, il se révéla avec des idées claires. Par exemple, par rapport à l’occupation des terres centrafricaines par les colons, il déclarait ceci dans un discours: «Avant de faire quelque chose pour nous, il faut tout d’abord restituer ce qui est strictement nôtre, ce qui constitue notre propriété inaliénable, c’est-à-dire notre droit à l’existence, notre droit au respect de notre personne et de notre collectivité». Il guida non seulement une guerre épistolaire contre la passivité et la complicité de l’Administration coloniale, mais s’engagea aussi à mobiliser les paysans dans la défense de leurs propres intérêts économiques. En effet, en 1948, il fit campagne pour la création des coopératives de production et de commercialisation indépendantes des structures d’entreprises contrôlées par l’Administration coloniale. C’est ainsi qu’il créa la «Société Coopérative de l’Oubangui-Lobaye-Lésé» (Socoulolé). La dite société s’était assigné pour but de résoudre les problèmes de l’alimentation, du vêtir, du logement, des soins médicaux, de l’enseignement, de la lutte contre le tribalisme. Afin de structurer idéologiquement et politiquement la résistance au colonialisme, il fonda en 1949 le parti MESAN qui ne dépendait d’aucun parti de la métropole et qui avait pour ambition de s’adresser à tous les Noirs du monde. L’article 3 du statut stipulait justement:
Le but du Mouvement est de promouvoir progressivement le plein épanouissement de la société centrafricaine selon l’esprit et la physionomie propre de l’Afrique Noire : a) sur le plan politique en défendant la liberté du peuple africain, l’égalité entre les hommes, le respect de la personne humaine dans chaque Africain et de notre originalité dans chaque collectivité ou tribu ; b) sur le plan économique, avec la valorisation du sous-sol africain en vue de l’amélioration des conditions de vie du peuple africain, et résoudre ainsi le problème angoissant de la démographie et du travail ; c) sur le plan social, avec la création de nombreux centre d’action sociale, notamment des coopératives de production et de communication.
Il lança en même temps le projet des Etats-Unis d’Afrique latine en mai 1957. Pour lui, il s’agissait d’un projet d’union des pays africains de langue latine. Selon lui, les quatre territoires qui constituait l’AEF sont en même temps économiquement et démographiquement faibles pour prétendre constituer des Etats singuliers et soutenables et jouir d’une indépendance totale. Ainsi, après avoir invité les gens à voter «oui» au référendum du 28 septembre 1957, il fit donc campagne pour la constitution d’un unique Etat. L’histoire et la culture communes aux peuples intéressés constituaient, selon lui, d’énormes avantages d’entente en soi. Afin d’illustrer sa conviction pour l’unité, il affirmait que lui-même est né Congolais puis devenu Oubanguien. Il expliquait comment une partie de sa tribu se trouvait au Congo-Belge, une autre dans l’ancien territoire de l’Oubangui et une autre au Tchad. Cependant, souligne-t-il, c’est la langue française et notre culture latine communes qui sont pour nous un des liens essentiels. Ceci constitue la raison pour laquelle il croit fermement à une Afrique latine comme on parle d’une Amérique latine. En fait, il prévoyait la formation de cette unité en trois étapes: la première était le regroupement des quatre ex territoires de l’ex AEF sous l’appellation de République Centrafricaine, la seconde était l’unification des deux Congo; et la troisième, la création des Etats-Unis d’Afrique latine regroupant outre le Cameroun, Rwanda, Burundi, Angola Gabon, Guinée Equatoriale. En effet, pour Boganda, l’unité africaine était une triple nécessité: économique, politique et historique. Economiquement, déclarait Boganda, l’Afrique possède toutes les ressources nécessaires pour être puissante. Malheureusement, le développement inégal et la mise en concurrence des territoires, la diversité de nos monnaies et la faible population constituent de sérieuses limites. Politiquement, les territoires pris individuellement, constituent des proies faciles pour le néocolonialisme. Historiquement, c’est désormais le temps des grands ensembles territoriaux. Boganda était convaincu que cette union formerait un contrepoids à la puissante influence en Afrique du Sud, Zimbabwe, dans le Protectorat du Bechuanaland et Nyassaland. Aujourd’hui, la grande partie des économistes soutient la création d’une telle union parce que cela pourrait constituer un marché puissant et une infrastructure soutenable pour le développement interne et le commerce international. Malheureusement, le projet de Boganda ne suscita guère d’adhésion favorable. Le 1er décembre 1958, le même Boganda remplaça le nom colonial d’Oubangui-Chari par la République Centrafricaine dont il fut le Premier Ministre et Chef de Gouvernement. Devenu très gênant pour la France, quatre mois après qu’il ait fondé la République centrafricaine, il disparut dans un attentat d’avion piégé le 29 mars 1959, date mémorable et jour de deuil national depuis lors jusqu’aujourd’hui en RCA. Le peuple centrafricain, convaincu de la main de la France derrière cet attentat, attend toujours des explications que cette dernière n’a jamais délivrées.
3. La RCA en Afrique et dans la région d’Afrique centrale
3.1. Membre de l’Union Africaine
Le 25 mai 1963, naquit l’OUA composée initialement de 32 Etats, dont la RCA. Le 3 juin 1991, fut conclus le Traité d’Abuja au Nigéria, qui a prévu explicitement la création d’un marché commun à l’ensemble du continent avant 2025. Dans ce sillage, le 9 septembre 1999 en Lybie, fut signée la déclaration de Syrte. L’acte constitutif de l’Union fut signé le 11 juillet 2000 à Lomé au Togo. Deux ans après, le 9 juillet 2002, au sommet de Durban en Afrique du Sud, naquit officiellement l’UA avec siège à Addis Abeba en Ethiopie. En fait, le projet de l’UA est de construire une Afrique intégrée, prospère et en paix, guidée par ses concitoyens, constituant une force dynamique sur la scène mondiale. Ultimement, avant d’être réhabilitée, la RCA fut suspendue par l’Union aussitôt après le coup d’Etat du 23 mars 2013. Aujourd’hui, l’UA compte 55 Etats membres et six langues officielles à savoir : l’anglais, l’arabe, le français, l’espagnol, le portugais, le swahili. Dirigée actuellement par le Président Tchadien Idriss Déby Itno qui a succédé à Robert Mugabe du Zimbabwe, l’UA couvre une superficie de 29 922 059 km2 et compte 967 810 000 habitants. Le PIB est de 2 943,76$/habitants.
3.2. Membre de la CEEAC
La RCA fait partie de la CEEAC dont le traité fut signé en octobre 1983 à Libreville au Gabon. Composée de 10 Etats membres, la CEEAC a pour objectif fondamental la promotion et le renforcement d’une coopération harmonieuse et un développement dynamique, équilibré et autonome à tous les niveaux de l’activité économique et sociale, notamment dans les domaines de l’industrie, des transports et communications, de l’énergie, de l’agriculture, des ressources naturelles et du tourisme. D’autres domaines de développement sont l’enseignement, la culture, la science et la technologie, le mouvement des personnes. Les institutions de la CEEAC sont: la Conférence des Chefs d’Etats et de gouvernement, le Conseil des Ministres, la Cour de justice, le Secrétariat Général et la Commission consultative, les comités techniques spécialisés. Les organismes spécialisés sont trois: le pool énergétique; la commission des forêts d’Afrique Centrale; le comité régional de la pêche dans le Golfe de Guinée. Ses instruments et programmes de coopération sont: le Conseil de la Paix et de la Sécurité en Afrique Centrale (COPAX), l’Etat Major Régional et la Brigade Régionale en Attente dans le cadre de la Force Multinationale de l’Afrique Centrale (FOMAC) et de la Force Africaine en Attente (FAA), la Convention en matière de coopération et d’assistance mutuelle judiciaire entre les Etats membres, les accords et conventions avec des partenaires bilatéraux et multilatéraux.
3.3. Membre de la CEMAC
Avec leur accès à l’indépendance, le Cameroun, la République Centrafricaine, la République du Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad ont pris conscience de la nécessité de créer une institution de coopération régionale. A ce titre, le 8 décembre 1964, ils signèrent un traité instituant l’Union Douanière et Economique d’Afrique Centrale (UDEAC). Le 16 mars 1994, fut signé à N’djamena au Tchad, un autre traité qui donna lieu à la dissolution de cette dernière en février 1998. Cinq ans après, en juin 1999, pendant la Conférence de Malabo en Guinée Equatoriale, le traité entra en vigueur, et l’UDEAC céda définitivement la place à la CEMAC. Son siège est à Bangui, capitale de la République Centrafricaine. Elle représente un marché qui couvre une superficie de plus de 3 million de km2 pour une population totale de 30 million d’habitants. Au niveau des échanges avec l’extérieur, la zone CEMAC a exporté par exemple en 2000 l’équivalent de 6.100 milliards de dollars US et importé 3,5 milliards de dollars US. La graphique suivante nous illustre la quantité et le type de produits exportés par chaque pays-membre.
Il faut noter que concernant le pétrole centrafricain, les installations d’exploitations ont été stoppées par l’enclenchement de la guerre. Néanmoins, par rapport à la quantité de leurs produits d’exportation, le Cameroun et la République Centrafricaine prennent la tête avec 9 produits. Puis suivent la Guinée Equatoriale, la République du Congo, le Gabon avec 5 produits et le Tchad boucle la liste avec 3 produits. Outre ses potentialités touristiques et autres gisements tels que le fer, le ciment, le cobalt et autres non exploités comme le pétrole, la République Centrafricaine pourrait être le pays le plus riche de la zone CEMAC, hélas! Curieusement c’est la Guinée Equatoriale qui est actuellement le principal pays qui finance l’Union alors que comparativement à la RCA, elle détient bien peu de ressources naturelles. Et le Tchad qui a très peu de produits par rapport aux autres pays-membres, est actuellement le pays CEMAC qui détient la plus forte armée de la région grâce à l’exploitation de son pétrole.
4. La RCA et ses institutions économiques et financières
4.1. La Banque Centrale
Créée il y a 40 ans, la BEAC est l’institution officielle d’émission du franc CFA en cours légal dans 6 pays membres de la CEMAC. Son siège régional est Yaoundé au Cameroun. Son objectif consiste à émettre la monnaie et garantir la stabilité, définir et guider la politique monétaire applicable dans les pays membres de l’Union, conduire les opérations d’échange, tenir et gérer les réserves monétaires, promouvoir le bon fonctionnement du système des paiements dans l’Union. En Centrafrique, le siège national de la BEAC est Bangui. Depuis 2006, une succursale a été inaugurée à Berbérati. Dans la suite, nous nous inspirerons du mémoire d’André Bonda qui traite des banques commerciales.
4.2 Les autres grandes banques
La BSIC, inaugurée le 28 novembre 2008, détient un capital de 7 milliards de FCFA. Son but est de contribuer au développement économique et social, grâce à la mobilisation des ressources financières internes et externes par la promotion de l’investissement et du commerce, moteur du développement économique. Elle participe au financement des crédits de campagne des produits d’exportations. Pour le moment, elle est présente seulement à Bangui où elle a 4 agences. C’est une banque régionale qui unit tous les pays sahélo-sahariens.
L’ECOBANK, après dix ans de présence, est l’une des banques privées très importante en actifs et dépôts dans le pays. Elle emploie environ 200 personnes. Son capital est de 3 milliards de FCFA. D’après le rapport tenu à la fin 2011 par monsieur Jean Eudes Teya Président du Conseil d’Administration, la situation de l’ECOBANK en RCA va crescendo. En effet, le réseau des agences s’est bien étendu aussi bien dans la capitale Bangui que dans les provinces (Berbérati, Bambari, Bossangoa, Beloko) passant de 2 à 12 agences. «ECOBANK Centrafrique» a été la première banque de la place à enrichir l’industrie bancaire centrafricaine avec des produits innovateurs tels que les cartes bancaires, les distributeurs, SMS et «Internet Banking», «Rapid Transfer». Au niveau des performances financières, le total du bilan a augmenté de 334%. Les dépôts ont fait un saut incroyable de 19 milliards fin 2006 à 65 milliards fin 2011. Les crédits à l’économie ont atteint 60 milliards contre 11 milliards en cinq ans. En bénéfices accumulés, l’entreprise est arrivée à 11,9 milliards dont 3,5 milliards seulement en pour l’année 2011. Sur le plan social, la contribution de la banque s’est concrétisée à travers des interventions multiformes en matériels pour les écoles, médicaments et soutien financier aux centres de soins ou orphelinats.
L’autre banque importante est la CBCA. Fondée le 31 août 1999, elle est le fruit de la libéralisation de l’ancienne Union Bancaire en Afrique Centrale (UBAC) à l’époque, filiale de deux banques françaises: «Société Générale» et «Crédit Lyonnais». Son capital est de 1 milliard de F CFA dont le Groupe Fotso du Cameroun détient les 51%, les citoyens 39% et l’Etat les 10%. Son rôle est de récolter des dépôts, distribuer des crédits, installer et gérer les moyens de paiements, effectuer des opérations liées à son activité principale. Présente à Bangui mais aussi en provinces, la CBCA compte environ 100 employés. En partenariat avec le «Western Union International» et avec le «Crédit Mutuel en Centrafrique», elle a mis à la disposition de la clientèle des services de transfert d’argent. Quant à la BPMC, elle est née de la convention signée en 1989 entre le Gouvernement Centrafricain et le Royaume du Maroc. Le rôle qui lui est assigné est le développement de l’idée de «garder de l’argent en banque» et la contribution à la participation au développement des petites et moyennes entreprises. Son capital est de 2 milliards dont 62,5% appartiennent à la banque commerciale populaire et 37,5% à l’Etat Centrafricain.
4.3 D’autres institutions « micro finances »
Il existe en RCA d’autres institutions. La première est la CMCA qui est un projet tripartite regroupant l’Etat Centrafricain, le Centre International du Crédit Mutuel et la Caisse Française de développement. Ses activités débutèrent en 1994. Son principe de fonctionnement se base sur la solidarité en permettant à la population l’accès aux services bancaires. Au niveau de chaque caisse, une assemblée générale de la société élit chaque année un Conseil d’Administration selon le principe d’égalité. Le taux de rémunération des dépôts varie entre 3,5% et 5% par an. En 2003, le CMCA avait accordé 491 millions de FCFA de crédit. Quant à la «SOFIA CREDIT», elle a débuté ses activités en mars 2009. Son siège est à Bangui avec trois agences en provinces. Elle a la forme juridique des sociétés anonymes et applique ses actions de récolte d’épargne et concède des crédits aux tiers. Elle a un capital de 50 millions de FCFA dont 25 lui appartiennent. Toujours en 2009, quatre mois après l’ouverture, elle avait un total de 63 millions et demi de dépôts et 500 clients actifs.
4.4 Tentatives de modèles politico-économiques de Bokassa et Kolingba
Le modèle de Bokassa date de 1965. Cette tentative fut une approche de l’économie visant à privilégier la campagne à la ville. C’est ainsi que dans chaque province on recensait garçons et filles. Ils vivaient en internat et suivaient une formation humaine et militaire très rigoureuse. La discipline était sans faille. Ils devaient mettre en valeur les parcelles de terre qui leur étaient attribuées. Pratiquement, grâce aux moyens mis à leur disposition, ils cultivaient toutes sortes de produits alimentaires dont une partie était gardée pour l’autoconsommation tandis que l’autre partie était vendue. L’argent de la vente servait à renflouer les caisses des coopératives qui marchaient à merveille. Ceux-ci jouissaient d’une parfaite santé et étaient de vrais pionniers de l’activité coopérative. En effet, «l’opération Bokassa» fut en cette période une mobilisation importante qui donna de meilleurs résultats jamais enregistrés dans tout le pays au niveau agricole. Aujourd’hui, certains de ces pionniers se rendent encore utiles soit en pratiquant du jardinage ou du maraîchage privé, soit en transmettant, comme ils peuvent, le savoir-faire aux jeunes générations.
La deuxième tentative fut l’institution de la «fête de la moisson» promue par Kolingba. Ce dernier voulait faire de cette vision le moteur de toute sa stratégie en matière de développement rural. Ainsi, il voulait renforcer une politique d’autosuffisance alimentaire garantie pour toute la population. La stratégie consistait dans la nomination des Ministres dits Résidents qui avaient la tutelle d’une région spécifique. On organisait chaque année la fête de la moisson dans une localité choisie. C’était l’occasion pour récompenser les plus braves cultivateurs et la meilleure commune qui aurait eu les meilleures récoltes agricoles. Avant qu’on ne fasse la fête, les routes, les marchés, les auberges, la gîte présidentielle, les centres de santé étaient construits ou réhabilités. Du coup, les communications entre les régions limitrophes étaient facilitées et la localité organisatrice était mise en exergue. A l’époque, de grands projets de soutien aux agriculteurs et éleveurs furent mis sur pieds par exemple: la Fédération Nationale des Eleveurs Centrafricains (FNEC); l’Association Nationale de Développement de l’Elevage (ANDE); les Regroupements d’Intérêts Ruraux (GIR). Cette politique économique fit en sorte que le secteur agricole atteignît une nette amélioration. Par exemple, de 1981 à 1989, la production du coton augmenta de 20 000 tonnes à 55 000, et le café de 3 000 à 40 000 tonnes. Malheureusement, qu’il s’agisse de «l’opération Bokassa» ou de «la fête de moisson», toutes ces deux tentatives furent très vite assombries par les décadences catastrophiques de chaque régime. Pire encore aujourd’hui, la guerre a détruit complètement le tissu économique. Si bien que dans la classification du développement, la RCA occupe la 185ème place sur les 187 pays choisis. Comme nous constaterons dans les prochaines lignes, la majeure partie de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le chômage est élevé, l’accès aux services d’éducation et de santé de base n’est pas satisfaisant.
4.5 Santé
Selon un rapport de l’OMS, la durée de la vie en Centrafrique est de 47,3 ans. La mortalité infantile (0-1 an) est de 173/1 000, tandis que celle juvénile (0-5 ans) est de 220/1 000. La mortalité maternelle est de 580/1 000 naissances en vie. Le taux de malnutrition globale en dessous des 5 ans est estimé à 10%. La prévalence de l’HIV de l’adulte est de 4,8%, tandis que celle de la contraception est de 6,9%. En général, 76% de la population vit dans une distance de plus de 10 km d’une structure sanitaire. Aujourd’hui, suite aux dégâts de la guerre 2 millions des 5 millions environ de Centrafricains ont besoin d’une assistance humanitaire et sanitaire d’urgence. Sur le territoire national on compte 7 régions et 16 préfectures sanitaires qui correspondent aux subdivisions territoriales et administratives. C’est pourquoi les éloignements et la précarité des moyens de communication tels que les routes dégradées, rendent très difficile l’accès aux services de santé. Au niveau des prestations médicales, il y a 669 établissements publics de santé dont 11 hôpitaux centraux dans la capitale Bangui, 5 centres hospitaliers universitaires régionaux, 11 hôpitaux préfectoraux, 235 centres et 330 postes de santé. Parmi le personnel, le nombre des agents est de 3 394. Il y a 137 médecins dans la formation sanitaire dont 10 spécialistes, 203 obstétriques, 61 techniciens supérieurs de santé, 238 infirmiers, 42 techniciens supérieurs de laboratoire. Beaucoup de spécialisations médicales ou chirurgicales ne sont pas représentées. Ce sont tous des chiffres très bas. Et pourtant, paradoxalement, une quinzaine de promotion de médecins et d’infirmiers n’est pas intégrée dans le secteur de la santé dans la Fonction Publique. En outre, la répartition du personnel est très inégale et du coup pas homogène. Par exemple, on compte 1 médecin pour 6 000 habitants dans la capitale contre 100 000 dans les zones rurales. Observons un moment les données des «Médecins sans frontières» à l’hôpital urbain régional de Berbérati deuxième ville du pays qui compte 120 000 habitants environ par rapport à Bangui la capitale qui en compte environ 1 million.
4.6 Scolarisation
Dans le secteur de l’éducation, 1 enfant centrafricain a seulement 40% de possibilité d’adhérer à l’école primaire et 20% à l’école secondaire. Il y a divers obstacles: immédiats, implicites et profonds. Le personnel qualifié est insuffisant. La majorité des parents ne donne pas beaucoup d’importance à l’école. Le manque de crédibilité de l’école décourage la population. En général, les filles et d’autres minorités sont marginalisées. Les obstacles proviennent de tant de lacunes. L’engagement du financement du secteur public est parmi les plus faibles. La fonction d’enseignant perd toujours plus de valeur. Cela fait en sorte qu’une démotivation générale s’installe, si bien que la capacité de formation et le niveau de l’enseignement en subit un coup négatif. Avec un revenu très bas, les parents n’arrivent pas à payer les frais d‘éducation scolaire des enfants. Ceux qui ont des enfants handicapés ont un complexe d’infériorité et se renferment sur eux-mêmes. Le chômage des jeunes à la fin de leurs cursus est un motif de grand découragement. En plus, il y a une instabilité des programmes scolastiques aux réalités économiques. Il manque une vraie coordination des activités du système éducatif et une stratégie globale en matière de post-alphabétisation. Les centres de formations techniques et professionnelles sont rarissimes. Il n’y a pas un programme de sensibilisation et de formation des parents sur la question de l’éducation. La disparité garçons-filles est de 65% pour les garçons et 47% pour les filles. La déperdition au primaire est d’environ 35% et d’environ 27% au secondaire. Les taux de déperditions scolaires des filles au fondamental 1 et fondamental 2 sont supérieurs à ceux des garçons et l’indicateur de parité est d’1 au fondamental 1 et 0,80 au fondamental 2. Les filles issues des zones rurales sont moins scolarisées par rapport à celles qui viennent des villes. Le poids de ces facteurs se fait sentir gravement sur le « ratio » classe-élèves qui est de 1/120. Cette moyenne peut dépasser 1/240 dans certains postes à cause du type de déroulement des leçons dites à «mi-temps», ou bien à «tiers-temps». Le redoublement d’une classe et l’abandon sont fréquents (environ 25% de taux total dont plus de 35% sont des filles).
4.7 Communication
Les moyens de communication ne sont pas nombreux et sont surtout vétustes : une dizaine de quotidiens, une radio publique nationale, une station de télévision publique, une dizaine de stations radio privées. Les usagers de téléphone représentent environ 25%, internet 5%. La liberté d’expression est très limitée. Si le droit à l’information est proclamé par la constitution, par contre la possibilité de s’informer n’est pas offerte aux citoyens. On note un antagonisme entre le régime au pouvoir qui cherche à cacher des informations aux citoyens, et certains médias notamment privés qui cherchent à informer vraiment les gens. C’est pourquoi il existe beaucoup d’obstacles. On assiste par exemple, à des couvertures partisanes de l’information. Les médias publics répandent des messages de division et de rancœur contre l’opposition. Le comportement de ceux de la presse écrite est tributaire des intérêts financiers. Les journalistes s’associent avec les personnalités politiques qui les soutiennent. En général, les journalistes sont permanemment en danger de mort. Il y a des intimidations et attaques physiques contre eux. Très souvent ils subissent la prison, des pressions et de vrais «muselages». Ils sont arbitrairement arrêtés et traités hors du circuit judiciaire normal. Ils sont humiliés, agressés, torturés, détenus sans procès, condamnés injustement pour diffamation, pour outrage à la magistrature ou pour atteinte à la sureté de l’Etat, à la prison à vie. Les cas d’assassinats ou d’empoisonnement sont nombreux. Ainsi, selon la dernière classification de 2015 sur la liberté de presse, la République Centrafricaine est classée par « Reporters sans Frontières » au 110ème rang sur 180 pays recensés.
Les gouvernements qui se sont succédés depuis l’indépendance
Ce tableau démontre l’instabilité dans laquelle se trouve la République centrafricaine. Cet argument a été celui du livre que Josué Binoua publia en 2005. Dans le chapitre 1er intitulé «l’instabilité à visage découvert», à la lumière de différentes crises à savoir militaires, sociales et politiques, l’auteur énumère près de 20 coups d’état ou tentatives de coup d’état, 7 constitutions et de multiples actes constitutionnels, 20 gouvernements, 450 ministres, une douzaine de grands mouvements de revendications salariales, des dizaines de grandes entreprises vandalisées, des partenaires au développement désengagés, des projets d’assistance abandonnés. Compte tenu de cette situation, s’installe la peur d’entreprendre quoique ce soit à long terme de crainte que cela n’aboutisse.
5. Les racines institutionnelles de la misère centrafricaine
5.1 La monnaie Fcfa moyen de la mainmise politico-économique française
La République Centrafricaine se trouve dans la zone «franc» et utilise le franc cfa, dit encore «Franc des Colonies Françaises d’Afrique». La zone «franc» comprend une partie de l’Afrique Centrale et une partie de l’Afrique de l’ouest qui correspondent respectivement à l’AEF et l’AOF. La zone «franc» fut inventée par le Général De Gaulle dans l’intérêt supérieur de la France. Si certains parlent des avantages du franc cfa à savoir le principe de la fixité des parités, ces avantages sont moindres par rapport aux inconvénients majeurs qui s’y trouvent. En effet, cette monnaie perpétue fondamentalement l’appauvrissement et le retard socio-économique des pays africains qui l’utilisent. Aujourd’hui, et de manière quasi fixe, 1 euro vaut 655, 957 fcfa. Depuis son «indépendance» jusqu’aujourd’hui, la RCA subit un système d’appauvrissement continu. Car elle joue un rôle de serviteur servile de fournisseur de matières premières à la puissance coloniale. Cette dernière transforme à son avantage ces matières importées à très bas prix en produits finis et génère de grosses richesses appelées valeurs ajoutées. En plus, la libre convertibilité du franc cfa favorise la fuite des capitaux vers l’Europe et le reste du monde. Dans un discours annuel, le Vice Gouverneur de la BCEAO faisait noter que ce phénomène augmenta d’une part la dette publique extérieure des pays africains et d’autre part favorisa un cumul important des avoirs auprès du système bancaire des pays dits développés. La convention entre la France et l’Afrique de la zone franche stipule que: «Les Etats membres consentent de mettre en commun leurs avoirs extérieurs en fonds de réserves d’échange. Ces réserves feront l’objet d’un dépôt au Trésor français, dans un compte courant dénommé compte d’opérations. Et la banque versera sur le compte d’opérations les disponibilités qu’elle pourra se constituer en dehors de sa zone d’émission» Ainsi, les banques centrales africaines ont l’obligation de déposer dans le Trésor français 65% de la totalité de leurs avoirs et sont autorisés à tenir seulement 35% pour elles. De cette manière, les pays africains, en leur propre défaveur, financent l’économie française: c’est un préjudice financier flagrant car tout cela crée une dégradation de la situation financière des pays africains en général et de la RCA en particulier.
5.2 La «mal gouvernance»
La corruption pratiquée par les gouvernants est généralisée. Les populations sont obligées de payer des services déjà rémunérés par l’Etat grâce aux taxes que les citoyens ont réglé. Donc, à chaque fois, il faut payer deux fois, et ceci partout, à tous les niveaux: dans les bureaux, aux contrôles routiers, à l’hôpital, lors des concours, dans les commerces et autres. Les fonds de garantie sont utilisés pour d’autres choses. Par conséquent, le pauvre qui doit toucher un dédommagement à la suite d’un accident par exemple repart les mains vides. Et celui qui décide de venir retirer une partie de son épargne entendra dire qu’il n’y a plus d’argent. En plus, avec la démagogie, les dirigeants se maintiennent au pouvoir à travers des élections tronquées. A cause de la corruption, les investissements publics des secteurs prioritaires sont déviés vers des projets où les enveloppes sont faciles et nombreuses. On perd jusqu’à 25% du PIB total du pays. La dernière réunion de l’Union Africaine dit que la corruption coûte au continent environ 150 milliards de dollars US par an. Ceci est un coup de fouet qui entraîne la perte d’environ 50% des recettes fiscales, chiffres supérieurs à la dette extérieure d’un pays comme la RCA. C’est bien connu par les populations centrafricaines que les gouvernants qui arrivent au pouvoir deviennent en un éclair de temps milliardaires. Ils ouvrent des comptes colossaux à l’extérieur. Ils envoient leurs enfants et tous les parents en Europe et aux USA. Ils vivent exagérément au-dessus du niveau de vie de leur pays. Ils possèdent des parcs automobiles de dernière génération. Ils gèrent l’Etat comme si c’était leur propriété privée. Jusque là, à l’exception de Boganda, pratiquement tous les gouvernants centrafricains ont brillé par la « mal gouvernance » et les exemples sont multiples: Bokassa a dilapidé des dame-jeannes de diamants centrafricains à l’ancien Président français Giscard d’Estaing comme dons personnels. Le Président Patassé s’est accaparé de l’exploitation de diamants et de l’exportation du bois en créant ses propres sociétés. Successivement, il a signé des contrats en violation du permis minier centrafricain avec des sociétés américaines pour le pétrole et avec des sociétés françaises pour l’uranium. Le Président Bozizé a confisqué des diamants aux privées et s’est allié aux étrangers Sud Africains, Libanais et Chinois avant d’être chassé du pouvoir. Parmi ses multiples abus, on peut citer l’octroi en 2010, du passeport centrafricain à madame Alma Shalabayeva, épouse du dissident Casaque Mukhtar Albyazov. L’autoproclamé Président Ndjotodia a envahi le pays avec des mercenaires extrémistes islamistes Soudanais et Tchadiens qui ont pris possession de toutes les zones de diamants et d’or. La Présidente de l’Etat de transition Catherine Samba Panza n’a pas encore donné d’explication convaincante de la disparition d’une partie des 10 millions de dollars US offerts par l’Angola, pareil en ce qui concerne les fonds de 200 milliards US donnés par les USA pour la reconstruction de la RCA, fonds qui se sont volatilisés au passage au Cameroun sans jamais laisser de traces. Si les faits s’avèrent réels, cela nous démontre comment de façon flagrante règne l’impunité.
Considérant tout ce qui précède, en fin de compte nous nous retrouvons dans un pays sans Etat. La chose pire encore est la guerre d’intérêt entre la France et la Chine qui s’effectue à travers les gens manipulées, créant des désolations sans précédent. C’est face à cette situation que notre compatriote Augustin Jérémie Doui-Wawaye s’interrogeait dans son livre paru il ya un an. En focalisant ses inquiétudes sur l’absence de droit, il décrit la RCA comme un pays où «le droit à la vie est systématiquement violé, l’intégrité physique piétinée, la propriété privée pillée, le viol pratiqué, les enfants enrôlés, les villages incendiés, les biens publics détruits». Face aux effroyables désolations, la tentation est grande soit de s’installer dans un pessimisme récurrent, soit de se demander comme Moussa Konate si l’Afrique ne serait-elle pas maudite par hasard. Cependant loin de se résigner, il faut décrypter les causes de cette situation déplorable et trouver les issues pour en sortir. Dans les lignes qui vont suivre, nous essaierons de cibler des changements impératifs qui sont fondamentalement incontournables.
6. Pour un rééquilibre politico-économique
6.1 Mettre fin à la politique de la «Françafrique»
Nonobstant l’indépendance acquise sur le papier, la RCA est toujours sous l’ombre de l’ancienne puissance coloniale. Dans cette optique, Patrice Gourdin a défini la RCA comme un «Etat prototype de la Françafrique» parce qu’elle subit encore l’actualisation de ce système qui consiste en un ensemble de relations personnelles et dispositifs politiques, économiques et militaires qui lient la France à ses «anciennes colonies africaines». En effet, élaborée par le Général De Gaulle, à travers Jacques Foccart, cette politique vise à préserver les intérêts de la France dans son «ancien champ colonial». Sa caractéristique est le soutien des dictateurs africains, tolérant les coups d’état et assassinats politiques au détriment des populations. Pour un équilibre politico-économique, ce genre de gestion devrait disparaître, de même certaines lois coloniales qui disposent tout unilatéralement en faveur de la France. Par exemple, comment comprendre qu’on puisse instituer qu’en creusant jusqu’à une certaine profondeur, un mètre environ, tout ce qui s’y trouve appartient à la République Centrafricaine tandis qu’au-delà d’un mètre en profondeur tout est propriété française? Quand nous savons que les gisements des ressources du sous-sol se trouvent à une certaine profondeur, alors on comprend comment la RCA est dépossédée de ses propres richesses. Quelle injustice?
6.2 Pour une monnaie africaine
La souveraineté d’un Etat s’observe dans la parfaite maîtrise de la gestion de sa propre monnaie. En d’autres termes, une monnaie représente l’ensemble de tout un peuple souverain qui est l’unique à en attribuer une valeur déterminée. C’est pourquoi, puisque la parité du franc cfa est décidée sans le consentement des pays africains concernés, ceux-ci ne devraient plus continuer à confier la gestion de leur monnaie dans de mains extérieures ou à des conquérants. C’est dans cette optique que Nicolas Agbohou défend la création d’une monnaie africaine, laquelle selon lui sera porteuse du réveil de la conscience critique noire. Car elle traduira dans les faits la révolution culturelle africaine qui doit porter les Noirs à mettre fin à la soumission et servitude dégradantes. En fait, la création de cette monnaie marquera la rupture totale avec le passé colonial et avec le néocolonialisme multiforme qui continue à appauvrir et mettre quotidiennement le continent noir dans le deuil. Ce sera le signe visible de la remise en jeu de l’ordre monétaire, économique, social et politique établi à l’échelle internationale contre l’Afrique. Favorisées par l’utilisation de l’unique monnaie, les compétences africaines jugées excédantes ou sous employées dans certains pays membres pourront être employées de façon optimale dans d’autres pays déficitaires en main-d’œuvre africaine qualifiée.
6.3 Coopération afro-africaine
Afin de résister à l’impact politico-économique de la globalisation, les pays du Sud doivent être solidaires. Il y a trois ans, la République Centrafricaine a entretenu d’importants rapports au niveau militaire avec l’Afrique du Sud. Les gardes personnelles du Président Bozizé étaient exclusivement des Sud Africains. Le secteur de diamants et d’or leur était également confié. Ils ont apporté des matériels modernes dans les chantiers: par exemple les chargeurs, pelleteuses et les équipements sous-marins qui ont révolutionné le travail artisanal pratiqué auparavant. D’autres exemples, avec le Royaume du Maroc. Les relations sont basées au niveau bancaire avec les 27 ans de la fondation de la banque populaire maroco-centrafricaine. Petites et moyennes entreprises ont essayé de se développer grâce aux crédits accordés par la banque bien qu’elles soient toutes tombées en faillite. Néanmoins, grâce aux prêts de la banque, quelques fonctionnaires ont réussi à se construire une ou deux maisons en plus et qui sont aujourd’hui en location. Ce qui signifie pour ces derniers des entrées sûres et stables. Il y a quatre ans de cela, le Maroc a financé la colossale restructuration de l’hôpital général universitaire de Bangui en fournissant en même temps l’achat des fournitures neuves et modernes.
6.4 Avec l’Inde et la Chine
En 2011, l’ancien Président Bozizé avait signé deux importants contrats avec l’Inde. Le premier concernait la construction de la société indienne « Jaguar », d’une cimenterie dans le village Nzila à 11 km à la sortie Sud de la capitale Bangui. C’est ainsi que naissait la SOCACIM. Jusqu’à cette date, la République Centrafricaine importait le ciment soit du Congo Démocratique soit du Cameroun à 11 000 fcfa (environ 20 euro) le sac de 50 kg. La SOCACIM qui prévoyait une capacité de production de 400 tonnes par jour devait changer radicalement le mode de construire les maisons des Centrafricains. Malheureusement durant le coup d’état de 2013, après avoir abattu l’un des dirigeants de l’usine, les militaires Français assiégèrent le chantier qui s’interrompit jusqu’aujourd’hui. Le deuxième contrat avec l’Inde concernait le secteur des transports. Il s’agissait de la société SONATU qui naquit avec un capital de 480 millions de fcfa. 100 bus de fabrication indienne «A. Mazda» devraient assurer les transports urbains et interurbains. En effet, l’apparition de la SONATU fut un réel coup d’oxygène pour les innombrables problèmes de transports que connaissent les Centrafricains. Hélas, il a suffit seulement quelques mois pour que 68 bus sur 100 tombent en panne par négligence. Et aussitôt, 2,5 milliards de fca de déficit entraînèrent l’arrêt définitif de la société.
Avec la Chine, la RCA entretient de bons rapports bilatéraux. La Chine est protagoniste de beaucoup de réalisations en Centrafrique. Au niveau de la santé, deux hôpitaux ont été construits et équipés: l’hôpital de l’amitié et l’hôpital « Elisabeth Domitien ». Des médecins chinois exercent à Bangui et la mission médicale chinoise fonctionne très bien. La construction de la centrale hydraulique de Boali 3 dirigée par les Chinois reste encore à achever. Les récents travaux de bitumage du tronçon Bouar Garaboulai au Cameroun ont été portés à terme par les Chinois. Ils ont également construit le stade 20 000 places qui a servi de lieu de célébration de la messe lors du dernier voyage du Pape François en Centrafrique. A quelques kilomètres de la capitale Bangui, il y a un groupe de Chinois qui tient une ferme agricole associée à une école de formation professionnelle. D’autres projets dans le secteur de l’énergie solaire et de construction des ponts sont en vue. Le contrat que le Président Bozizé avait signé avec la Chine pour l’exploitation du pétrole a attiré les désappointements de la France. Conséquence: il fut chassé du pouvoir et le premier acte au matin du coup d’état fut l’annulation du dit contrat. Néanmoins, en 2012, le flux commercial entre la Chine et l’Afrique avait atteint le seuil de 163,3 milliards de dollars US en faisant de la Chine le premier partenaire commercial de l’Afrique avec un taux d’investissements directs d’environ 14,7 milliards de dollars US et plus de 2 000 entreprises chinoises.
Conclusion
Le thème que nous venons de traiter est d’actualité. L’impact politico-économique de la globalisation est une réalité mondiale. Parallèlement aux avantages de bien-être, les inconvénients de la globalisation sont vastes. La chronique décrit jour après jour comment les mécanismes politico-économique favorisent les riches qui deviennent toujours plus riches alors que les pauvres toujours plus pauvres. Ce constat est confirmé par le dernier rapport de l’Oxfam publié à la veille du 46ème forum économique mondial tenu du 20 au 23 janvier 2016 à Davos en Suisse. En effet, le rapport souligne qu’au niveau mondial 62 super-riches possèdent la même richesse de la moitié de la population plus pauvre. Dans les derniers 24 ans environ, 46% de l’accroissement total du revenu mondial est allé au 10% des plus riches. Pratiquement, aujourd’hui 1% de la population mondiale possède plus du restant des 99%. En d’autres termes, le revenu moyen annuel de 10% plus pauvre de la population mondiale s’est accru de moins de 3 dollars US par an: c’est-à-dire moins d’1 centime par jour. Et pourtant, si l’inégalité n’avait pas augmenté à l’intérieur des pays entre 1990 et 2010, 200 millions de personnes en plus seraient sorties définitivement de l’extrême pauvreté. Quant à ce qui concerne la faim, selon une étude du «Global food losses and food waste» (Pertes et gaspillage alimentaire au niveau mondial) 1,3 milliards de tonnes de nourriture produit chaque année est gaspillé alors qu’1 million environ de personnes meurt de faim. C’est un véritable scandale auquel s’ajoutent les dernières nouvelles concernant les paradis fiscaux du «Panama Papers» dont certains chefs d’Etat africains et personnalités occidentales, arabes et asiatiques se permettent des comptes offshore. L’Italie où nous vivons actuellement n’est pas exempte de cette situation. Les données de distribution nationale de la richesse en 2015 démontrent comment 1% des plus riches des Italiens possède 23,4% de la richesse nationale nette. Ce chiffre, en valeur absolue, est égal à 39 fois la richesse des 20% des plus pauvres. Et en attendant, plusieurs noms italiens figurent également dans les spectaculaires scandales de «Panama Papers».
Cette flagrante injustice que nous constatons au niveau mondial, aussi dans les pays dits «développés» comme l’Italie, est ressentie de manière plus dramatique encore dans les pays tels que la République Centrafricaine dits justement «pays sous développés». Nonobstant les innombrables richesses du sous-sol, la misère est indescriptible. En effet, on se demande comment un pays aussi vaste (623 000 km2) le double de l’Italie (331 000 km2), avec peu d’habitants, moins de 6 millions par rapport à l’Italie qui en a 62, comment un pays qui, possédant de l’or du diamant, du pétrole, de l’uranium, du cobalt, du café, du cacao, du coton, du tabac, du bois et d’autres gisements non découverts; un pays où la terre est très fertile, où il y a de l’eau en abondance, la faune diversifiée, l’air propre, comment un pays de ce genre puisse se trouver parmi les derniers de la planète? Il y a de quoi parler de malédiction? Et pourtant il suffirait de peu pour offrir le minimum à tous afin que la RCA devienne «la Suisse d’Afrique». Hélas! La mauvaise politique étrangère de la France et la succession des gouvernants corrompus et opportunistes empêchent ce «chanceux» pays et ses populations de profiter de toutes les diverses potentialités qui s’y trouvent. Finalement, il est temps d’abolir les anciennes lois injustes de la colonisation encore en acte aujourd’hui. Il est temps que la France cesse de perpétuer son impérialisme par le biais d’intermédiaires en tenant en otage tout un pays entier et des populations entières, en soutenant des groupes rebelles qui viennent déstabiliser des régimes en place apportant des guerres d’intérêt internes comme nous l’avons connu ces dernières années. Il est temps que la France cesse de soutenir mordicus des gouvernants locaux tyrans qui exploitent le pays et la masse sans avoir la moindre sensibilité de la conscience du bien commun. C’est donc le moment de passer de la globalisation actuelle du profit abusif et de l’exploitation de l’homme par l’homme, à la globalisation de la juste distribution des biens. De cette façon, on répondrait aux exigences des fondements des droits universels de l’homme, lesquels droits stipulent que tout homme a le droit de vivre, et de vivre décemment. Car s’il en est ainsi, pourquoi le Centrafricain de la masse ferait-il exception pour ne pas y avoir droit? En plus, malgré ses misères, la RCA possède l’une des populations les plus jeunes au monde, avec des taux de fécondité, de natalité et de croissance positivement surprenants. Si bien que considérant ces données, elle constitue, malgré tout, l’un des pays du futur. Dans le tableau ci-dessous, la comparaison de quelques données statistiques de la RCA confrontées à celles de la France et de l’Italie nous fera comprendre davantage cette affirmation.
De par sa si vaste superficie, la faible population de la RCA peut être contenue dans une ville de la France ou de l’Italie. Pendant qu’en Italie ou en France la population ne cesse de vieillir, en RCA au contraire presque la moitié de la population ne renferme que des jeunes. La fécondité étant en hausse, le pays enregistre plus de trois fois plus de naissance que dans les pays dits «développés». A la grande surprise de tous, malgré la guerre, la RCA dite « sous développée » connaît une croissance un peu plus de deux fois plus haute qu’en France ou en Italie dites «développées». Alors, là où il y a de l’espace à volonté, là où la terre est suffisamment irriguée et naturellement bonne (pas besoin d’engrais), là où la faune est merveilleusement diversifiée, là où on dort sur des mines incalculables de matières premières, et là où on est si peu nombreux, finalement qu’est-ce qui manque au peuple centrafricain pour vivre paisiblement heureux? C’est l’impératif de la juste distribution des biens qui s’impose à ce pays. Et cela n’adviendra qu’à deux conditions sine qua non: 1) Si et seulement si les orientations politico économiques de l’ancienne puissance coloniale (la France) auront radicalement changé; 2) Si et seulement si la mentalité des propres gouvernants centrafricains aura fondamentalement changé et que la prise de conscience et l’engouement pour la construction de la recherche du bien commun auront pris le dessus. Ce sera seulement de cette manière que la RCA pourra jouir un jour d’un bien être réel, et pourquoi pas redevenir comme dans le passé une terre d’accueil et d’attraction pour les autres nations surtout dans le contexte actuel de la crise migratoire mondiale. Les dernières élections présidentielles de février 2016 qui ont porté démocratiquement et librement au pouvoir «l’outsider» Faustin Archange Touadera viennent raviver de plus belles ces lueurs d’espoir. Et le peuple tout entier attend ardemment percevoir des signes tangibles de changements. Sera-t-il satisfait ou déçu? L’histoire nous en dira davantage.
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SITOGRAPHIE
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www.cemac.net
www.euronews.com/forum-economico-mondiale
www.unric.org/davos 2016-rencontre annuelle-economico-mondiale
www.africa-on web.com/economie/ceac
www.africa-union.org
SIGLES ET ABREVIATIONS
AEF: Afrique Equatoriale Française
BEAC: Banque des Etats d’Afrique Centrale
BCEAO: Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest
BSIC: Banque Sahélo saharienne pour l’Investissement et le Commerce
CEEAC: Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale
CEMAC: Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale
COBAC: Commission Bancaire d’Afrique Centrale
ECOBANK: Banque Economique
MESAN: Mouvement pour l’Evolution Sociale de l’Afrique Noire
MFC: Messagerie Fluviale du Congo
MPR: Mouvement Populaire Républicaine
OMS: Organisation Mondiale de la Santé
ONG: Organisation Non Gouvernementale
OUA: Organisation de l’Unité Africaine
RCA: République Centrafricaine/Centrafrique
SEFCA: Société d’Exploitation de la Forêt Centrafricaine
SOCACIM: Société Centrafricaine du Ciment
SOFIACREDIT: Société Financière Africaine du Crédit
SONATU: Société Nationale des Transports Urbains
UA: Union Africaine
UDEAC: Union Douanière Economique de l’Afrique Centrale
UMAC: Union Monétaire de l’Afrique Centrale
CARTES
La position stratégique de la République Centrafricaine